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Tristan Garcia a-t-il prédit le Goncourt de Pierre Lemaître ?

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Deux ans avant Au revoir là-hautTristan Garcia écrivait : «  Espoirs pour le French polar avec le nouveau Pierre Lemaître. » Un article à la clausule prophétique.

On peut rêver qu’un jour « polar français » ne signifie plus rejetons cafardeux de Manchette et d’Audiard, histoires de quadras qui n’ont plus de gauchiste que le passé et qui transforment en mythologie de zinc les mêmes alcools frelatés, divorces et regrets de mauvais père, méchants industriels, ex-OAS, faux fachos et populos en plastoc, et banlieues parisiennes comme même Tardi n’ose plus en dessiner. Les lecteurs de plage ne s’y sont pas trompés : ils préfèrent la soupe scandinave. Ou alors Fred Vargas si vous aimez le zen, les latinistes érudits et les cercles à la craie.
On peut se morfondre et se souvenir qu’un jour le thriller français, c’était Pierre Véry, Boileau-Narcejac (Les Louves et Les Magiciennes) ou Japrisot. C’est-à-dire : sec, fantasmatique, sévère et diabolique. On a peut-être tort, mais on a décidé de parier : depuis quelque temps, la main hésitante, on tente de croire que les livres de Pierre Lemaître, 60 ans, nous sauveront des Ellroy risibles du 9-3, de Prix du Quai des Orfèvres momifiés, d’espèces de novellisations d’épisodes de PJ et de Poulpes décérébrés.

Pierre Lemaître standard portrait RICHARD DUMAS par Tristan Garcia

Pierre Lemaître © Richard Dumas

Perruques & ogres
Le quatrième roman de Lemaître se trouve sans peine au supermarché. En apparence, c’est de la camelote, par coquetterie. Robes de mariée (2009) était un thriller féminin à la Ursula Curtiss (La Guêpe, ce chef-d’œuvre), bonne idée, réalisation foirée. Travail soigné (2006) fonctionnait mieux : la fin surprenait agréablement et les références littéraires à Bret Easton Ellis, quoique parfois maladroites, indiquaient la naissance d’une ambition. Cadres noirs (2010) se lisait comme un honnête Westlake : vengeance d’un chômeur (comme dans Le Contrat) et coup foireux à la Dortmunder.
Avec Alex, publié ce printemps, quelque chose laisse espérer la renaissance de l’horlogerie du suspense : une jolie jeune femme fragile prise au piège, victime, ou coupable, ou victime, ou… ? Le résumer serait le trahir, et c’est bon signe. Changements d’identité, rape and revenge, atmosphère de conte de fées, comme dans La Dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil (Japrisot) ou Fatale (Manchette), robes d’été, perruques, ogres et princesse ensanglantée. Lorsque l’imaginaire des comptines se retrouve serré dans l’étau d’un engrenage logique, le lecteur sait qu’il a affaire à un vrai thriller : le mariage des peurs d’enfant avec la raison des adultes. Gardez un œil sur ce gars-là.

Par Tristan Garcia dans Standard n°32

Pierre Lemaître
Au revoir là-haut, prix Goncourt 2013
Télécharger le roman
et
Alex, 2011
Albin Michel
392 pages, 19,90 euros (6 euros en liens)

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Tristan Garcia
Faber le destructeur
Gallimard

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